Stigmatisation présumée des swahiliphones à Kinshasa : Cenco, pompier ou pyromane ?

Le communiqué de la Conférence Épiscopale Nationale du Congo, Cenco, rendu public le samedi 22 février dernier, continue de produire des agitations diverses.
Qu’en est-il du contenu qui a été perçu et commenté de plusieurs façons par les uns et les autres, dans l’opinion générale ?
Pour la Cenco, les swahiliphones résidents à Kinshasa seraient victimes d’une chasse aux sorcières.

La conférence des évêques catholiques a formellement accusé des » pasteurs et gourous » des églises de réveil charismatique d’en être les principaux incitateurs de cette stigmatisation extrêmement dangereuse pour la capitale avant de se propager dans les autres provinces. C’est terrifiant.

Lorsque l’on considère l’étendue de la ville de Kinshasa, les tensions et risques qui pourraient s’ensuivre, en cas de déchaînement des passions et humeurs dans la population sont inimaginables.

Est-ce vrai ou faux que les églises indexées sont coupables de cette dérive ?
Avant de spéculer, prenons la réponse de Madame la première ministre, cheffe du gouvernement, Judith Sumwina Tuluka, qui a contredit la Cenco en niant cette affirmation des catholiques.
La première ministre a carrément demandé au secrétaire général de la Cenco, Mgr l’abbé Donatien N’shole, de lui indiquer les cas probants qui ont suscité la déclaration des catholiques.

Seulement, l’inquiétude résulte de l’attitude de la Cenco qui s’est résolue de publier un tel communiqué dont le contenu surprenant est capable de mettre le feu aux poudres.
Sur le terrain de la ville, fort heureusement, rien n’a suivi cette accusation qui paraît comme une fausse alarme, mis à part quelques cas que l’on pourrait correspondre à des comportements isolés où à de la manipulation politique.

Il faut l »avouer que la Cenco a pris un très gros risque qui expose, désormais, certains princes de l’église catholique à un déficit de confiance dans une large opinion publique.
Ce qui fait mal est que ce genre de sujets, dans un pays Constitué en blocs linguistiques, importants les uns les autres sur l’échiquier national, n’est pas de nature à débattre sur la place publique.

Qui sont les swahiliphones ?
On aurait dû commencer par-là pour tenter de mesurer l’affirmation de la Cenco ! La langue swahili, dans ses variantes locutrices, est parlée dans tout le sud du pays, notamment dans l’ex grand Katanga, à savoir, dans les provinces du Haut-Katanga, de Lualaba, du Haut-Lomami et du Tanganyika ; Elle est aussi la principale langue en usage dans la province du Maniema au sud-est du pays avant de la retrouver aux sud et Nord Kivu, à l’Est où elle se diversifie, en traversant les frontières, avec les swahili du Burundi, du Rwanda, de l’Ouganda et de la Tanzanie.

En République démocratique du Congo, la même langue swahili est aussi parlée au nord, dans l’ex province orientale où le découpage des provinces a étendu la langue, à partir de la ville phare et centre historique de Kisangani, dans tout l’Ituri. Point n’est besoin de préciser son influence culturelle. L’aire qu’elle occupe a suffi pour la classer parmi les 4 langues nationales officielles avec le Lingala, le Kikongo et le Tshiluba.

Chacune de ses 4 langues locales appartient à des blocs qui figurent une sorte de puzzle linguistique, cependant, depuis la politique d’intégration des tribus et des peuples au Zaïre de Mobutu qui en avait fait un objectif capital pour consolider l’unité nationale, il ya le Lingala, plus usité dans les provinces de l’ex grand Équateur au nord, qui s’est répandu partout dans le sud jusqu’au centre du pays.

Cette intégration réussie, des ressortissants de différentes ethnies et tribus, a facilité la pénétration des autres langues dans toutes les aires linguistiques, vice versa.
Aujourd’hui, évoquer une stigmatisation parmi les locuteurs du Kikongo, du tshiluba, du Lingala et du swahili qui ont des variantes liées aux territoires, sans compter les dialectes dans un état congolais qui abrite pas moins de 460 ethnies et tribus, est très dangereux voire condamnable car, les congolais fusionne actuellement des multiples brassages tribaux. Il existe des originaires de certaines provinces qui ne s’expriment pas dans la langue de leurs ancêtres parce qu’ils se sont adaptés et intégrés à d’autres cultures, tout court. Les mariages et unions diverses ont fait le reste de l’intégration parfaite bien que certains clichés tribaux ont la vie dure et résistent encore.

Voilà !
Certains clichés sont exploités comme un cheval de Troie pour réveiller des inimitiés et antagonisme à dépasser.
C’est donc tout à fait très très gênant et renversant que le germe de la division et de la déstabilisation de cette harmonie des peuples locuteurs de langues différentes soit du chef d’une église !
La Cenco a-t-elle mesuré l’impact d’une telle affirmation dans le public congolais ?
Qu’est-ce qui a bien pu décider des évêques à faire cette déclaration incendiaire ?
Est-ce que le contexte actuel est-il favorable à cette alerte qui détruit l’unité nationale nécessaire pour consolider la patrie en danger ?
Autant d’interrogations se bousculent pour débrouiller cela.

Loin de prêter à toute l’église catholique cette intention, il y a lieu que la Cenco rectifie ou éclaircisse les termes affirmés pour une meilleure compréhension de sa déclaration qui suscite une controverse et beaucoup de malaises dans les esprits.
La rédaction.
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