Justice. La possibilité de récuser tout un parquet : Principe et limites.Un juriste explique.
La question de la récusation exercée par le ministre d’État, ministre de la justice et garde des Sceaux, Constant Mutamba, sur la Cour de Cassation a soulevé plusieurs interprétations et discussions sur la légalité de cette démarche en droit congolais. Le juriste Moïse Kunga a donné une réponse rigoureusement juridique, tenant compte des principes de procédure pénale en droit congolais.

I. La possibilité de récuser tout un parquet : principe et limites
La récusation collective d’un parquet entier – comme suggérée par la correspondance du ministre de la Justice Constant Mutamba visant le Procureur général près la Cour de cassation ainsi que d’autres magistrats du parquet – n’est pas expressément prévue par le droit congolais. Le Code de procédure pénale congolais (articles 54 à 59) prévoit la récusation de magistrats pris individuellement, en raison de faits ou d’attitudes propres à chacun, pouvant faire naître un doute légitime sur leur impartialité.

En droit, la récusation :
Est une voie exceptionnelle.
Ne peut viser une institution dans son ensemble, sauf démonstration de collusion systémique prouvée entre ses membres.
Elle repose sur des faits précis et individuels, pas sur des présomptions générales ou politiques.

Ainsi, récuser un « parquet tout entier » est difficilement soutenable en droit strict, sauf à prouver une dérive systémique établie, ce qui nécessiterait une autre procédure, comme la plainte disciplinaire ou l’ouverture d’une action devant le Conseil supérieur de la magistrature.

II. À quelle étape peut intervenir la récusation ?
La récusation peut intervenir dès l’ouverture de l’instruction, mais elle doit respecter des conditions précises, notamment en ce qui concerne le moment et le fondement :
1.Avant la clôture de l’instruction préparatoire (instruction à charge)
Un justiciable peut récuser le magistrat instructeur ou le procureur si :
des indices d’inimitié, de parti pris, de conflit d’intérêt sont démontrables ;

le procès est encore au stade d’enquête ou d’instruction préparatoire, et non clos.
Exemple : Une récusation du magistrat instructeur ou du procureur général au moment où le dossier est en cours de traitement est recevable si elle ne vise pas à retarder délibérément la procédure (article 57 du CPP).
- Avant la fixation de l’audience de jugement
La récusation doit être introduite au plus tard avant l’examen du fond, sous peine d’irrecevabilité pour tardiveté (article 58 du CPP).
Jurisprudence et doctrine utile.
Référence doctrinale :
Lufungula, M. (2021), « Procédure pénale congolaise : principes et controverses », Éditions Pan Africa, p. 233-237.
Ngoma-Binda (2019), « La récusation en droit pénal congolais », Revue Congolaise de Droit et Justice, n°22.

Jurisprudence utile :
Cour de cassation RDC, RP 0243/2021 : la récusation est déclarée irrecevable quand elle est déposée après le début de l’audience sauf faits nouveaux graves.
TGI Kinshasa/Gombe, 2018 : la récusation d’un parquetier n’a été acceptée que sur base d’un enregistrement prouvant un parti pris manifeste.

Conclusion
Il n’est pas juridiquement possible, dans l’état actuel du droit congolais, de récuser collectivement tout un parquet, sauf à démontrer la partialité individuelle de chacun de ses membres, ce qui est hautement improbable en pratique.
La récusation reste un acte procédural personnel, ciblant des comportements ou positions spécifiques, et doit être introduite au bon moment, soit avant la clôture de l’instruction, soit avant l’ouverture de l’audience, selon les cas.
Auteur: Juriste Moïse Kunga.
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