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La TVA en République Démocratique du Congo : Réflexions sur l’Équité Fiscale et la Solidarité Sociale

La TVA en République Démocratique du Congo : Réflexions sur l’Équité Fiscale et la Solidarité Sociale

La TVA en République Démocratique du Congo : Réflexions sur l’Équité Fiscale et la Solidarité Sociale

Le 1er janvier 2012, la République démocratique du Congo (RDC) avait promulgué la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) afin de réduire le déficit budgétaire. Conformément aux directives du FMI, le taux de TVA a été uniformément fixé à 16 %, avec exonération des produits de première nécessité tels que le lait, le pain, le riz et la viande. Cette nouvelle politique s’inscrit dans une réforme fiscale visant à remplacer l’impôt sur le chiffre d’affaires (ICA). Un ensemble solide de preuves a montré que la TVA peut aider à atteindre les objectifs de revenus avec à la fois des efficacités administratives et économiques. Cela découle du fait que la TVA nécessite peu de contraintes administratives, tout en générant une perte de surplus minimal. Dans l’année qui a suivi sa mise en œuvre, le passage de l’ICA à la TVA a augmenté les recettes fiscales de 29 %, représentant 1,1 % du PIB. 

Cependant, aussi attrayante qu’elle puisse paraître, la TVA soulève de nombreuses questions quant à ses impacts distributionnels. Savoir si l’adoption d’une TVA donnée frappe plus durement les pauvres que les non-pauvres est une question ouverte. À n’en pas douter, la TVA entraînera inévitablement des hausses de prix, qui peuvent affecter de manière disproportionnée les pauvres lorsque les produits taxés représentent une grande part des dépenses des ménages à faible revenu. La différenciation des taux semble être un moyen de mitiger les impacts distributionnels indésirables de la TVA. Cependant, cette différenciation des taux a ses limites, car elle est soumise à l’économie politique de la prise de décision gouvernementale. Sans surprise, dans certains endroits, les biens de luxe peuvent être exonérés de TVA (N. Salti et J. Chabaan, 2008). La TVA peut également entraîner une perte de bien-être disproportionnée pour les pauvres en augmentant la demande de biens de première nécessité par substitution entre les catégories de revenus (N. Gemmell et O. Morrissey, 2003). Le gouvernement de la République démocratique du Congo avait pris un certain nombre de mesures pour faire face aux préoccupations distributionnelles associées à l’adoption de la TVA.

Un changement de politique ultérieur, suite à l’adoption de la TVA, a conduit à élargir la base fiscale pour inclure le lait et le ciment, tout en exonérant les compagnies pétrolières. Un document intitulé « Impact sur le bien-être de la réforme de la taxe sur la valeur ajoutée : le cas de la République démocratique du Congo » des experts de la Banque Mondiale utilisent un cadre conceptuel, basé sur la théorie économique, pour mesurer la perte de bien-être associée à l’introduction de la TVA en RDC parmi les pauvres et les non-pauvres en milieu rural et urbain. Pour ce faire, le document s’appuie sur la variation compensatrice avec des données provenant d’une enquête, sur les dépenses des ménages, représentative à l’échelle nationale et réalisée en 2012. Elle examine comment la perte de bien-être est répartie entre les catégories de dépenses dans les zones rurales et urbaines. Au cœur de l’analyse se pose la question de savoir si la différenciation des taux est bien ciblée.

Le document présente des estimations des élasticités et des paramètres du Système d’Analyse de la Demande Presque Idéale Quadratique (QUAIDS) pour les ménages ruraux et urbains par statut de pauvreté. Les estimations montrent que la plupart des paramètres sont statistiquement différents de zéro, ce qui indique un bon ajustement du modèle. Il fournit également des estimations des élasticités des dépenses pour différents biens, montrant qu’un système de demande linéaire fournirait des estimations inadéquates des pertes de bien-être.

L’analyse du bien-être dans le document inclut le calcul de la variation compensatrice (VC) pour mesurer le changement de bien-être, qui est trouvé être négatif, indiquant une perte de bien-être due à la réforme de la TVA. Le document évalue également la répartition du fardeau de la TVA par niveau de dépenses, montrant que la perte de bien-être augmente du bas vers le haut du quintile, ce qui indique un caractère progressif de la TVA.

L’impact de la réforme de la TVA sur la pauvreté est également analysé, révélant que l’adoption de la TVA a augmenté le taux de pauvreté alimentaire et a aggravé les conditions de vie des ménages, particulièrement en milieu urbain. L’analyse suggère également que les biens exonérés constituent une grande part du budget parmi les pauvres, et que l’adoption de la TVA a conduit à une aggravation du taux de pauvreté alimentaire.

Alors que le second mandat du Président Tshisekedi débute et que la nomination d’un Premier ministre se profile, chargé d’exécuter les programmes sociaux promis lors de sa campagne, une opportunité mûre se présente pour alléger le fardeau de la TVA sur les ménages appauvris. Cette manœuvre stratégique non seulement s’aligne sur les promesses du président d’améliorer le social, mais résonne également fortement auprès de la population. La mise en évidence de ces considérations fiscales avec les rapports sur les nouveaux parlementaires élus potentiellement rémunérés à plus de 30 000 dollars mensuels – soit 551 fois le PIB par habitant – souligne cette incohérence flagrante, remettant en question la nécessité pour les ménages moyens de supporter le poids du financement des modes de vie somptueux des élus dont les contributions restent pour le moins douteuses. Dans un tel climat, la recalibration des politiques fiscales devient non seulement impérative, mais aussi un témoignage de l’engagement envers l’équité et la responsabilité dans la gouvernance.

Francis Mulangu

PhD en Economie

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